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Histoire d'Oeuf |
Montréal, février 1997, il fait moins trente lorsque le jeune Jérôme (le
jaune) fait la connaissance de Marc-André, bel autochtone à l'humour tordu, avec
lequel il sympathise. Ils ont les poils du nez qui gèlent et décident donc, pour
se réchauffer, de former un groupe de rock. L'idée est de mélanger rock 60's,
chanson française, punk rock, country music et pop expérimentale. Bref, tout et
n'importe quoi. Les cerveaux engourdis par le froid, ils parviennent tout de
même à trouver un nom pour leur groupe : ce sera « oeuf » et ce sera là leur
premier et dernier coup de génie : oeuf est né !
Après quelques essais infructueux, ils finissent par dégoter la section
rythmique de leurs rêve composée de deux bipèdes aux caractères opposés mais
complémentaires : à la basse, le taciturne et solitaire Paul (monsieur Moine) et
à la batterie Fred (la coquille), également surnommé Action Man, un excité
notoire qui hante alors les fêtes Montréalaises. Nos quatre gaillards se mettent
à répéter et composer, font quelques concerts (dont un très réussi au mythique
Building Dance sur Saint-laurent et Mont-royal), puis se séparent bons amis,
Jérôme devant rentrer en France et Paul partant à Vancouver : oeuf est mort !
Quelques années plus tard, le même Jérôme (le jaune), venu dans le sud pour
tenter enfin de se dégeler le citron après son expérience québécoise, aperçoit
une silhouette familière sur le cours Belsunce : pas de doute, c'est bien le
sémillant Fred (la coquille) qui sort de chez Papi où il s'est acheté 3 slips
estampillés « Belsunce Breakdown » pour seulement un euro. Généreusement, il en
offre un (le jaune) à Jérôme (le jaune) et lui apprend qu'il vit actuellement à
Marseille, venu sur la piste d'une petite girelle de Malmousk. Ils vont au
bistrot et quelques verres plus tard (des jaunes), miracle de la vie : oeuf est
ressuscité !
L'idée est toujours de confronter la langue française à toutes sortes de
musiques (rock, reggae, valse, punk, rap, swing, country, polka) mais cette
fois, devenus fainéants à l'approche de la quarantaine et usés par de récent
emplois dans le bâtiment ou la rénovation, nos deux lascars décident de se la
jouer acoustique (ce qui ne les empêche pas d'utiliser de la distorsion en
concert, hé hé) : il s'agit de voyager léger et d'aller partout, notamment dans
la rue.
La coquille à la batterie, le jaune à la guitare, pour trianguler l'oeuf, il
leur faut maintenant trouver le blanc adéquat : ce devra être un bon joueur de
contrebasse mais aussi un être humain de qualité. Une annonce dans le Ventilo
plus tard et il est là, avec ses cheveux longs, ses chaussettes jaunes, son
pantalon orange et son curriculum d'enfer (Pierre Boulez !!!!!, Charlie Haden
!!!!!). La rencontre se passe plutôt bien mais restera-t-il ? Ne se lassera-t-il
pas trop vite des blagues douteuses et de la technique instrumentale frustre des
deux autres ? Adhérera-t-il au concept total et parfois étouffant de l'oeuf ? Le
suspense fut total et parfois étouffant, mais finalement, il est resté et après
quelques concerts mémorables dans la rue, à la fête du plateau et celle de lutte
ouvrière, à la Part des Anges, au Lounge ou au festival big-band de Pertuis, les
voilà maintenant tous les trois, superbes, étincelants, s'époumonant en
tourbillonnant dans la folle sarabande de l'oeuf frais, prêts à faire danser les
culs de jatte et à enculer les montagnes. Qu'on se le dise !